Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Bienvenue dans mon petit monde. Je dédie ce blog à tous ceux qui, comme moi, aimeraient que tout commence par " il était une fois...". De la lecture à l'écriture, il n'y a qu'un pas, dit-on. Certes, mais il n'est pas aisé à accomplir. Et à quoi servirait d'écrire si ce n'était que pour soi ? Alors, je vous propose de venir découvrir des extraits de mes livres, mes nouvelles et mes poèmes. Humour, tragédie, Fantasy, j'espère que vous trouverez un univers qui vous correspond. Et n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire. SOPHIE

BRAN LE MERCENAIRE

BRAN  LE MERCENAIRE

A Ringoann, un seul être avait survécu.

Un homme explorait les ruines fumantes avec minutie. Il était massif sans être gros, assez grand pour imposer le respect, avec des mains larges comme des battoirs et un corps couvert de cicatrices. Ses cheveux bouclés et sa barbe étaient sans fil blanc, mais il avait déjà atteint la quarantaine et en avait assez des batailles. Mercenaire depuis plus d’une vingtaine d’années pour le compte de Brenann, il n’avait jamais perdu son accent du Sud. Il avait amassé un pécule suffisant pour se décider à s’en retourner dans son village natal, Brandil,  avec la ferme intention de s’y établir comme forgeron et y couler des jours tranquilles. La seule famille qui lui restait, vivait d’ailleurs là-bas : une sœur un peu plus jeune que lui, demeurée veuve avec quatre fils à élever. L’homme avait acheté à un marchand de l’Est un cheval galtais épais et borgne de l’œil gauche, mais solide et en bonne santé. Puis, muni de l’accord regalien indispensable, il avait quitté sa garnison sans un regret, pour prendre la voie du Sud, en suivant plus ou moins les berges de l’Aqvyr. Mais il évitait soigneusement les chemins commerçants, généralement peu sûrs, car infestés de voleurs. C’est alors que son œil exercé avait repéré la troupe algavienne au lointain. Il avait haussé les épaules : les pillards n’étaient pas son problème. Et il s’était prudemment tenu loin des villages, malgré le froid.

- Dolent,  va y avoir du grabuge c’te nuit,  avait-il sobrement annoncé à son cheval, qui sembla n’en n’avoir pas plus cure que lui.

 

 L’homme s’était installé à l’abri relatif d’un monticule herbeux et, toujours par précaution, n’avait pas allumé de feu. Après avoir planté son épée au sol à portée de main, il s’était enveloppé dans une grande et épaisse cape de laine sombre, puis avait dormi un peu. A l’aube, il avait longuement observé le panache de fumée noire, qui s’élevait à l’horizon. Il savait  que le pire était survenu et que, désormais,  le danger s’était éloigné plus loin dans les terres. Il connaissait bien ces bandes armées, pour en avoir affronté des centaines : des brutes souvent avinées, que la faim de butin à prendre, de sang à verser et de femmes à violer rendait incontrôlables. Benjur avait conclu un pacte de non-agression avec le précédent Reg, mais cela n’avait pas suffi à stopper complètement les débordements de ses tribus, dont certaines vivaient toujours comme leurs ancêtres, uniquement de pillages et de vols. L’homme avait chevauché jusqu’au village de Ringoann, avait attaché son cheval à l’un des quatre chênes qui menaient à ce qui avait été autrefois une petite maison. Il savait aussi par expérience que, même après le passage  de tels maraudeurs, il restait parfois quelque chose à récupérer pour qui savait chercher.

- Rien d’intéressant par ici, mon vieux Bran, grommela-t-il pour lui-même, en soulevant une large planche noircie.  J’vais pousser plus loin dans l’village, on sait jamais !

 

Il ne s’appesantit pas sur ce qui restait du corps d’un homme jeune, mais s’immobilisa en reconnaissant un mince bras de femme sous l’amas de bois carbonisé. Il grommela un juron, puis  releva la tête en tendant l’oreille. Les pleurs d’un tout jeune enfant venaient de se faire entendre à côté de la cheminée ; une cheminée insolite, avec un pan de mur fait de pierres calcaires sur un seul côté. Le Guerrier tergiversa, puis s’approcha de la seule partie de la maison encore debout. Il se pencha, découvrit, puis inspecta la cachette et en extirpa un berceau intact. Les pleurs cessèrent aussitôt et deux yeux couleur ambre se posèrent sur lui avec curiosité.  Le bébé semblait en bonne santé et  lui sourit.

 

- Par les Dieux ! murmura l’homme, comment t’as pu survivre au milieu de cette fumée, puis par ce froid ? Aurait mieux valu qu’tu meures avec tes parents, p’tit ! J’ai tué plus d’hommes que j’peux m’en souvenir, mais parole de Bran, j’ai jamais touché à un mioche ou à une femme ! J’vais pas commencer aujourd’hui, alors j’espère pour toi que les bêtes f’ront vite !

 

Le mercenaire se releva et s’apprêtait à faire demi-tour en abandonnant le bébé sur place, lorsqu’un bruit sourd le fit se retourner. Les pierres du mur venaient de s’effondrer, ne laissant qu’un nuage de poussière flottant dans la lumière matinale. L’homme resta figé, frappé de stupeur, puis il jeta nouveau coup d’œil à  l’enfant et soupira :

- J’vais sûrement l’regretter !

 

Le mercenaire sortit gauchement le petit de son lit. Les langes étaient souillées et, d’un geste, il l’en débarrassa ; il  eut un rictus de satisfaction en voyant le sexe minuscule.

- Un garçon, c’est pas plus mal !

 

Bran emmaillota l’enfant, comme il le put, dans la pièce de lin brodée d’une fleur qui servait de drap. Puis il retourna à son cheval, attrapa sa cape glissée sous sa selle, emmitoufla l’enfant à la va-vite, puis il enfourcha sa monture, tout en tenant son petit fardeau d’une main.

- Et maintenant, p’tit, où j’vais pouvoir trouver du lait ? demanda-t-il au nourrisson, qu’il avait calé contre lui.

 

Ce dernier émit un curieux gazouillement, qui ressemblait à un rire, tandis que  Bran jaugeait le petit crâne duveteux avec sévérité :

-  J’te l’avais bien dit : j’regrette déjà ! Les ennuis commencent !

Il donna un coup de talon et orienta son cheval plein sud, en direction de Méroch, un  village, où il savait pouvoir  arriver avant la nuit.

- T’as intérêt à aimer le lait d’chèvre ! grogna le mercenaire à l’intention de son passager. Et à pas pleurer tout le temps, j’aime pas les geignards ! Et à pas faire tes besoins sur moi. Et….

EXTRAIT DE LA LEGENDE DU NORSGAAT - LIVRE I - LA TERRE, MEROCH

Disponible sur Amazon, Kobo et aux Editions du Masque d'Or

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article