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Bienvenue dans mon petit monde. Je dédie ce blog à tous ceux qui, comme moi, aimeraient que tout commence par " il était une fois...". De la lecture à l'écriture, il n'y a qu'un pas, dit-on. Certes, mais il n'est pas aisé à accomplir. Et à quoi servirait d'écrire si ce n'était que pour soi ? Alors, je vous propose de venir découvrir des extraits de mes livres, mes nouvelles et mes poèmes. Humour, tragédie, Fantasy, j'espère que vous trouverez un univers qui vous correspond. Et n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire. SOPHIE

LES QUATRE SAISONS ET TITANIA

Il est un royaume invisible aux yeux bornés des hommes, inaudible pour leurs oreilles imparfaites, impensable pour leurs esprits cartésiens et limités.

Pourtant, il arrive de temps à autre que de jeunes enfants surprennent de folles sarabandes, perçoivent d’aériennes musiques, ressentent une magie venue des premiers âges. On ne les croit jamais lorsqu’ils affirment avoir croisé des lilliputiens, des feux follets ou des animaux doués de parole. Et lorsqu’ils grandissent, leurs souvenirs s’étiolent, se perdent,  puis - une  fois devenus adultes -  ils oublient totalement avoir croisé des représentants de l’Autre-monde.

Je suis persuadée d’avoir eu la chance de visiter ce royaume  merveilleux et c’est un rêve récent qui a fait ressurgir ce moment suspendu des tréfonds de ma mémoire. Car une autre clé permettant d’accéder à cet univers enchanté est le songe. Le sommeil n’est-il pas un état où à priori et œillères tombent, où le prodigieux n’est jamais remis en cause, où tout devient possible ?

Et ce « tout » commença par un bruit de clochettes, si infime et léger, que j’avais cru avoir été le jouet de mon imagination. Je ne devais pas avoir plus de cinq ou six ans et je jouais à sauter à cloche-pied sur un sentier forestier. Mes parents étaient à deux pas, installant le pique-nique sur un tapis herbeux. Des bribes de  leur conversation me parvenaient tandis que je m’amusais. Le chant d’un coucou lointain répondait aux tambourinements sourds d’un pivert besogneux. La forêt était empreinte de cette aura de quiétude joyeuse qui nimbe toute sylve lumineuse où l’ombre n’est que la promesse d’une sieste agréable. D’ailleurs, sentant soudain mes paupières lourdes, je m’installai confortablement tout contre le tronc accueillant d’un chêne vénérable. Un tintinnabulement résonnant agréablement à mes oreilles me fit rouvrir les yeux. Venais-je seulement de m’assoupir ou m’étais-je endormie pendant un long moment ? Je n’aurais su le dire. Mais je me sentais parfaitement reposée et m’étirai, puis me relevai en époussetant ma robe à smocks sur laquelle quelques feuilles s’étaient invitées. Les clochettes malicieuses bruissèrent à nouveau à quelques pas de moi.  Intriguée,  je me dirigeai dans la direction de ce son délicieux. Un  bruissement feutré émana des fourrés proches et, pour mieux voir,  je m’écartai encore du sentier. Peu après, sur ma droite,  des pépiements joyeux et cristallins résonnèrent en cascade ; je courus à leur suite. A cet instant, toute  une myriade de petite lumières colorées surgit d’un buisson de houx et voleta joyeusement autour de moi, comme pour me fêter. La guirlande lumineuse s’éloigna en tressautant et je ne résistai pas à l’envie de la suivre. C’est ainsi que je fus entraînée au cœur de la forêt sans frontière, cet univers mystérieux  où tout un monde fantastique a droit de cité.

Comment décrire un lieu où les couleurs et les sons sont en mouvement perpétuel, où rien n’est tout à fait  ce que l’on croit à première vue ? Ainsi, une fleur est un papillon, un arbre penché s’avérait être un vieux magicien endormi, un champignon au chapeau pointu, la chaumière confortable  de toute une famille de lutins. Des fées menues se dissimulaient en riant derrière les arbres moussus pour jouer à cache-cache avec moi, des êtres -dont je ne savais s’ils appartenaient à la faune ou à la flore-  venaient se poser amicalement sur mon épaule ou sur ma tête. Une chenille fleurie vint me chatouiller la joue, une grenouille feuillue et ailée m’accompagna un bref instant. Ce n’était, partout, que surprises et émerveillement !

Je croisai une biche aux yeux d’or. Elle m’expliqua obligeamment que je me trouvais dans un Royaume dont la souveraine portait le beau nom de Titania. La politesse et les bonnes manières semblaient être des qualités répandues et appréciées, aussi -comme maman me l’avait enseigné- je rendais scrupuleusement chaque salutation, retournai chaque bonjour avec un grand sourire, charmée que j’étais de tant de d’attention et de respect envers la petite fille que j’étais.

Je ne tardai pas à constater que toute cette forêt enchantée était en ébullition. Tous ceux que je croisais,  se pressaient sans exception dans la même direction. Je leur emboitai le pas et tentai alors d’en savoir plus, m’adressant le plus poliment possible à la cantonade. Des oiseaux minuscules et multicolores voletaient de branche en branche, donnant l’impression de chapelets en mouvement perpétuel. De hauts et fins elfes aux longs cheveux venaient à dos de cerfs, de larges insectes cuirassés et chamarrés s’affairaient, portant des feuilles géantes dans lesquelles s’entassaient pêle-mêle de minuscules gnomes et korrigans. Toute cette activité faisait beaucoup de bruit et personne n’entendait clairement mes questions. Ce fut un petit farfadet chevelu et juché sur une chauve-souris harnachée de fils d’arachnide qui m’informa avec gentillesse que leur Reine avait été sommée par les Quatre Saisons de décider laquelle était sa préférée. Le sujet était donc d’importance, car cela pouvait changer l’ordre des choses ! Aussi,  tous les habitants du Royaume se hâtaient afin d’arriver à temps pour assister à la proclamation royale qui désignerait celle qui avait été choisie.

Je pénétrai enfin dans une immense clairière ronde, tapissée de fleurs blanches et roses et dans laquelle les sujets de Titania étaient en train de prend place, s’installant en cercle comme pour assister à un spectacle. Je pris le parti de faire de même et me glissai entre deux faunes en pleine conversation et toute une famille de sangliers bruyante et dissipée. Je m’assis sagement en prenant soin de ne pas salir ma robe claire et je ne bougeai plus.

Le brouhaha était à son comble car, bien sûr, tous y allaient de leur pronostic à plus ou moins haute voix : l’un des faunes à ma gauche vantait les couleurs de l’Automne si proches des tons de sa fourrure douce ;  la laie à ma droite encensait les vertus du Printemps, période au cours de laquelle elle pouvait s’adonner à ce qui faisait le sel de sa vie : s’occuper de ses marcassins tachetés qui -pour l’heure-  jouaient à saute-mouton, me bousculant parfois au passage.  L’Hiver et l’Eté avaient évidemment leurs partisans et ces derniers n’étaient pas en reste. L’ambiance était donc électrique et il semblait évident pour tous que le choix de leur Reine fût aussi éminemment difficile qu’incontestable, car sa sagesse était grande ! J’écoutai ainsi les bavardages des uns et des autres, lorsque soudain le silence complet, qui survint sans transition, me fit violemment sursauter :

La Reine Titania venait de faire son apparition et je demeurai bouche bée :

Jamais je n’avais rencontré pareille créature et je dus me retenir pour ne pas pousser un cri d’admiration. Imaginez la plus parfaite des jeunes femmes et vous ne serez encore pas à la moitié de la réalité. Grande et élancée, elle avançait pieds nus avec majesté; chacun de ses pas nimbait le sol d’un halo doré qui scintillait un bref instant. Ses cheveux longs étaient tantôt blonds comme le blé, tantôt noirs comme la nuit, tantôt roux comme le feu, mais toujours scintillants et ondulants comme une mer douce se terminant en boucles parfaites. Ses grands yeux lumineux aussi étaient changeants, passant de l’azur le plus pur, à l’émeraude la plus claire, puis au brun le plus doux, pour prendre tour à tour d’autres couleurs de l’arc-en-ciel. Sa robe -constituée de savants entrelacs de fils d’or, d’argent, de fleurs, de pierres précieuses, de feuilles et de mousse- se terminait en une traine dont il était impossible de distinguer la fin, tant elle se confondait avec les fleurs de la clairière. Sur son front lisse, sa couronne était constituée de mille petites lumières blanches et mouvantes : des centaines de lucioles dansaient un ballet continuel pour dessiner le diadème le plus étincelant qu’il m’eut été donné de contempler.

La Reine s’immobilisa au milieu de la prairie et prit la parole. Elle eut une phrase de bienvenue pour chaque peuple qui formait son Royaume. Des plus grands arbres, aux insectes les plus infimes, chaque famille  vivant sous sa protection fut nommée avec bienveillance. Sa voix était envoutante, basse et calme,  dégageant une sérénité infinie. Elle conclut, en dirigeant le feu de son regard dans ma direction :

  • Ce soir est particulier, car nous avons parmi nous une représentante de la race humaine. Qu’elle soit la bienvenue ! Rares sont ceux qui trouvent la porte de notre Royaume et nous sommes ravis de l’accueillir !

Tous les yeux se tournèrent vers moi, tandis que des chuchotements nourris grandissaient. Je me sentis rougir comme lorsque la maitresse me demandait d’aller au tableau. Sauf que là, je me sentais fière et très privilégiée.

Titania leva sa main fine pour réclamer à nouveau l’attention et la paix revint comme par enchantement :

  • Maintenant mes chers amis, passons à la raison de notre présence à tous ici ce soir.

La Reine tourna légèrement la tête –ce qui eut pour effet de faire mouvoir les lucioles  qui formèrent une tiare effilée- puis elle intima d’une voix ferme :

  • Approchez, Filles du Temps !

Les branches-lianes d’un immense arbre fleuri s’écartèrent en douceur et quatre formes vinrent se présenter devant Titania. Je poussai une exclamation de stupeur. Le faune à côté de moi me tapota la main en posant un doigt sur sa bouche. Je me mordis les lèvres et reportai mon attention sur les nouvelles venues.

Les Quatre Saisons avaient revêtue chacune une forme  féminine :

La plus jeune était sans nul doute le Printemps : une jeune fille d’une fraîcheur délicate, habillée de vert tendre et coiffée d’une couronne de fleurs à peine écloses sur ses cheveux délicatement tressés. Sa robe de tulle légère flottait au vent comme un voile. Elle avait le sourire conquérant de ceux qui ont la vie devant eux.

L’Eté avait revêtu l’apparence d’une femme éblouissante au sommet de sa beauté : ses superbes cheveux d’or, piquetés de roses épanouies et d’épis de blé florissants, éblouissaient l’œil ; sa robe composée de riches étoffes aux couleurs opulentes mettait en valeur une peau dorée et scintillante. Elle arborait un air épanoui et assuré.

La chevelure de feu de l’Automne aussi était resplendissante. Sa robe aux reflets bruns était ornée de feuilles magnifiant ses couleurs qui allaient  de l’or le plus pur au rouge le plus intense. Sa couronne, composée de fines grappes de raisin, de châtaignes et de pommes,  mettait en valeur un beau visage paisible parsemé de taches de rousseur.  Son regard était doux et profond, son sourire à la fois serein et nostalgique.

L’Hiver, enfin, toute de fourrures blanches vêtue était véritablement impressionnante. Ses yeux aigue-marine étincelaient dans un visage pâle d’une beauté austère et saisissante. Sa chevelure immaculée avait des reflets bleutés et  se répandait comme un tapis sur ses épaules. Sur son front pâle, un diadème de glace et d’argent dressait ses flèches vers le ciel. Son sourire était séduisant, mais  figé et glacé.

La Reine reprit la parole et s’adressa à ses invitées :

  • Vous m’avez sollicitée pour que je désigne celle qui, entre vous quatre, est la plus importante. J’ai pris le temps de réfléchir et mon choix est fait.

Un léger frémissement parcouru la foule et je retins mon souffle : nous allions enfin savoir laquelle des Quatre Saisons la Reine nommerait sa préférée.

Titania, imperturbable,  poursuivit :

  • Vous me demandez de choisir entre les bras froids de l’Hiver -qui offrent un sommeil salvateur aux arbres, aux plantes et même à certains animaux-  la douceur revigorante du Printemps qui permet à la nature de renaître ; la chaleur de l’Eté où tout peut arriver à maturité ; et, enfin, l’Automne dont la robe multicolore prépare la terre et ses habitants à la venue de sa sœur glacée .

Le silence était si lourd qu’il en devint insupportable. La Reine ouvrit les bras en direction des Quatre Saisons :

  • Je décide que nulle saison n’est plus importante que les autres. Vos qualités respectives ne peuvent surseoir à celles de vos sœurs ;  elles se succèdent et se complètent. Que serait l’Eté, s’il n’était précédé du Printemps ? Comment le Printemps pourrait  magnifier le retour à la vie, sans le repos imposé par l’Hiver ? Et les couleurs de l’Automne seraient-elles aussi remarquablement belles si elles ne faisaient pas suite à la fournaise de l’Eté ? Je vous déclare donc toutes à égalité ! C’est notre mère à tous, la Nature,  qui vous a créées telles que vous êtes et je ne peux que m’incliner devant vos perfections.

Joignant le geste à la parole, Tatiana inclina sa tête gracieuse. Les Quatre Saisons se consultèrent du regard, puis arborèrent un sourire satisfait, tandis que des applaudissements nourris et des hourras s’élevaient. Soudain, les cris de joie cessèrent et dans ma tête, la voix de la Reine chuchota :

  • Enfant des hommes, emporte avec toi ce message : changer le rythme des saisons serait une catastrophe dont les conséquences pourraient être dévastatrices… Recommande leur d’être prudents et de ne pas jouer aux apprentis-sorciers !

Ses mots résonnèrent comme un écho dans ma tête tandis que la clairière disparaissait. Je me retrouvai d’abord au pied du grand chêne, me frottant les yeux et secouant ma robe à smocks, puis m’éveillant dans mon lit, quelques vingt ans plus tard…

Personne ne me croirait si je disais que je suis devenue climatologue parce que j’ai un jour croisé une Reine qui avait pressenti le changement climatique.

Qu’importe ! Je défends la nature envers et contre tout. Je porte le message de ceux qui ont compris qu’il est encore temps à l’humanité de reconnaitre ses erreurs d'enfants gâtés et de tenter de les réparer avant qu’il ne soit trop tard.

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