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Bienvenue dans mon petit monde. Je dédie ce blog à tous ceux qui, comme moi, aimeraient que tout commence par " il était une fois...". De la lecture à l'écriture, il n'y a qu'un pas, dit-on. Certes, mais il n'est pas aisé à accomplir. Et à quoi servirait d'écrire si ce n'était que pour soi ? Alors, je vous propose de venir découvrir des extraits de mes livres, mes nouvelles et mes poèmes. Humour, tragédie, Fantasy, j'espère que vous trouverez un univers qui vous correspond. Et n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire. SOPHIE

LA PLUS BELLE FILLE DES KAERS

LA PLUS BELLE FILLE DES KAERS

L

 

A nuit était déjà tombée, lorsqu’un homme chaudement emmitouflé arriva en traîneau à la kaer An-Kum. Familier des lieux, il confia ses forks à une connaissance, afin qu’ils soient aussitôt dételés et nourris, car le froid était saisissant et il venait de faire une longue traversée. Une fois assuré que son équipage était entre de bonnes mains, il emprunta le sentier menant à la yourte de Drenngur à grandes enjambées, laissant de grandes traces nettes dans la neige fraîchement tombée. Averti par ses propres chiens de cette visite tardive, le Chef sortit pour aller à la rencontre du visiteur. Oth’ - car c’était lui - fut immédiatement reçu par Drenngur dans l’Espace des hommes, où son fils Rona s’était attardé. Ce dernier ressemblait à son père, mais l’héritage maternel lui avait aussi transmis une grâce supplémentaire. L’enfant menu était devenu un beau jeune homme. Le père et le fils étaient seuls : l’heure du souper était passée depuis longtemps et les femmes couchées. Drenngur offrit donc lui-même à son invité de l’okhi tiédi à l’âtre central, en n’oubliant pas de boire en premier, ainsi que l’exigeaient les règles de la bienséance. Il proposa de réveiller son épouse, afin qu’elle prépare de quoi manger au nouveau-venu, mais ce dernier refusa. Après les politesses d’usage, portant notamment sur la santé de son Foyer, des nouvelles de la kaer An-Rohm et l’état de ses troupeaux, Drenngur s’enquit du but précis de la venue surprise du jeune Chef. Avec ses cheveux blonds foncés mi-longs, ses traits réguliers et virils, sa haute taille et ses yeux d’un bleu très clair, Oth’ en imposait à beaucoup. Habitué à commander, il possédait une voix forte et puissante, tranchant avec celle, plus posée, de Drenngur :

            – Depuis que mon père a rejoint les Esprits, je suis devenu Chef de ma kaer, la faisant prospérer, ainsi que tu le sais, au point qu’aujourd’hui, elle est l’une des plus grandes de notre Yrath. Je peux me permettre d’être exigeant dans le choix d’une nouvelle épouse. Myrtan’ est certes belle et robuste, mais j’entends trop souvent dire qu’elle est indisciplinée. J’ai par moi-même constaté qu’elle ne se comportait pas toujours comme le devrait une future femme de Chef. Elle oublie aussi qu’elle est promise et manque de discrétion. Ma réputation pourrait en pâtir ; certains commencent à parler d’elle dans mon dos ; c’est insultant pour moi !

Drenngur avait rapidement fait un signe discret à Rona, qui s’était retiré sur le champ après avoir salué Oth’, pour aller rejoindre son épouse et leurs deux jeunes enfants. Le Chef médita un instant les paroles de son invité, avant de répondre avec affabilité :

            – Je n’ai jamais oublié la confiance dont ton père m’a gratifié voilà treize années, montrant par cet accord de mariage, qu’il ne croyait pas à la colère des Esprits sur les miens. J’ai vu ta kaer pleurer la mort de Yorar, puis se réjouir, parce que c’était toi qui lui succédais. Tu es un Chef aimé par les Esprits : ta première épouse, Témer, t’a donné deux fils sains et forts ; sa réputation est excellente et tu dois en être fier. Je suis forcé de reconnaître que Myrtan’ a dernièrement attiré quelques regards, mais sache qu’elle n’en tire nulle coquetterie, bien au contraire ; elle a un caractère un peu fort, mais elle a bon cœur. Elle est jeune encore, mais elle est intelligente également et sait où est son devoir ; elle apprendra, aidée par ta première épouse, à te faire honneur ! Néanmoins, toi seul peut décider si cette union te convient toujours.

            Oth’ opina en silence, avala une gorgée d’okhi et fit mine de prendre le temps de réfléchir. Il était effectivement satisfait de sa Première Epouse ; elle était discrète, obéissante et prête à tout pour le contenter. Et justement, Myrtan’ n’avait rien en commun sur ces points avec elle. Il observait particulièrement cette dernière depuis qu’elle était sortie de l’enfance : elle était devenue d’une beauté sculpturale, un peu trop rayonnante peut-être pour une érendéra, mais il en avait d’abord conçu une satisfaction teintée d’une touche de vanité : les Esprits, qui lui étaient favorables depuis toujours, continuaient à lui sourire en lui réservant une épouse superbe, donc digne de lui. Puis il avait constaté avec déplaisir que la fille de Drenngur affichait un tempérament assez malvenu chez une femme, à commencer par son attitude glaciale envers lui-même : Oth’ se savait attirant et les femmes étaient généralement flattées, lorsqu’il daignait poser les yeux sur elles, mais Myrtan’ ne faisait vraiment aucun effort. Il se remémora leur dernière entrevue : il était venu avec un cadeau pour tenter d’apprivoiser la jeune fille, sans grand succès toutefois, car elle était demeurée aussi distante que d’ordinaire, ne répondant que par monosyllabes à ses louanges et compliments. Ses quelques gestes d’affection n’avaient pas mieux accueillis : elle s’était raidie à chaque fois qu’il lui avait pris la main ou tenté une chaste caresse, lorsque la vieille Ogdan - chargée de les chaperonner - avait regardé ailleurs. Une femme ne pouvait se comporter ainsi envers son promis et il s’était senti si offensé, qu’il avait pensé mettre fin à l’accord sur-le-champ. Finalement, il s’était laissé le temps de la réflexion.

Or, la nuit précédente, il s’était réveillé brusquement : Myrtan’ venait de lui apparaître en rêve, plus belle que jamais ; à chaque fois qu’il avait tenté de l’approcher pour la prendre dans ses bras, elle s’était éloignée en se riant de lui. Il avait ouvert les yeux, alors que l’aube était alors en train de se lever, passablement perturbé. Aussi, un peu plus tard dans la matinée, il avait consulté Lohar, le Samian de sa kaer. Ce dernier avait émis un avis sans appel : les Esprits venaient de donner la réponse à son interrogation ; cette jeune érendéra tentait de lui dicter sa conduite. Elle devait apprendre où était sa place. Oth’ avait donc pris sa décision : même si la tradition lui en donnait la possibilité, il ne renoncerait pas à la fille de Drenngur. Ce serait à elle de plier ! Mais il devait être vigilant : comme tous, il avait l’exemple d’Akella en tête : Myrtan’ étant promise à un Chef de kaer, elle était, à priori, mieux protégée des assiduités des autres hommes, mais les commentaires éblouis à son sujet fleurissaient un peu partout, surtout depuis la dernière Berhan. Certains, parmi les plus émoustillés, l’avaient surnommée « la plus belle fille des kaers » ! Si, au début, il avait trouvé assez grisant d’être ainsi ouvertement envié, il commençait maintenant à s’en inquiéter. Il avait prétexté qu’il n’était pas convenable pour une érendéra de se faire remarquer de cette façon, mais il craignait surtout qu’elle ne s’entiche d’un autre - et surtout - qu’elle ne commette l’irréparable. Il refusait d’être ridiculisé et avait éprouvé le besoin d’agir ! Alors, il avait fait atteler ses forks à la hâte et avait mis le cap sur la kaer de Drenngur.

Extrait de La légende du Norsgaat - livre II : L'Air, Myrtan'

Disponible sur Amazon, Kobo et aux Editions du Masque d'Or

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