LA DERNIÈRE FOIS

Comme chaque matin, le réveil bipe à 6 h 30.

Elle stoppe aussitôt la sonnerie pour éviter de réveiller son mari, encore endormi à ses côtés.

Elle, elle n’a pas dormi de la nuit.

Encore.

Comme chaque matin, elle se lève sans allumer, sans faire de bruit, puis se glisse dans la salle de bain.

Le miroir reflète son visage, mais elle ne prend pas le temps de se regarder.

Elle reste un long moment sous la douche.

Brûlante.

Il y a longtemps qu’elle ne choisit plus ses vêtements.

Elle prend au hasard une jupe et un pull aux couleurs atones.

Surtout ne pas se faire remarquer.

Invisible.

Elle ne se maquille que pour dissimuler les traces de souffrance.

Pas de rouge à lèvre, son mari trouve cela provocant.

Pas de parfum pour aller travailler, il estime qu’elle n’en a pas besoin.

Qu’importe.

Elle réchauffe au micro-onde une grande tasse de café.

Elle n’a pas faim, mais elle se force à croquer une biscotte beurrée.

Puis elle boit debout, le regard sur la fenêtre qui fait face à la tour de l’immeuble voisin.

Lumières.

Elle quitte l’appartement, comme chaque matin.

Mais aujourd’hui, ce n’est pas pour aller travailler.

Elle se rend à une adresse qu’une amie lui a donnée.

Espoir.

Car hier soir, c’était la dernière fois.

La dernière fois, les cris.

La dernière fois, les coups.

La dernière fois, les excuses et les larmes,  une fois la crise passée.

La dernière fois, le pardon qu’elle lui accordait.