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Bienvenue dans mon petit monde. Je dédie ce blog à tous ceux qui, comme moi, aimeraient que tout commence par " il était une fois...". De la lecture à l'écriture, il n'y a qu'un pas, dit-on. Certes, mais il n'est pas aisé à accomplir. Et à quoi servirait d'écrire si ce n'était que pour soi ? Alors, je vous propose de venir découvrir des extraits de mes livres, mes nouvelles et mes poèmes. Humour, tragédie, Fantasy, j'espère que vous trouverez un univers qui vous correspond. Et n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire. SOPHIE

LES CORBEAUX

LES CORBEAUX

Une dizaine de jours auparavant, une troupe à cheval  − menée par Gaéric − était entrée dans Valnoir, un village à proximité du castel éponyme dont le Seigneur-Guerrier venait de prendre possession.

En l’absence du maître des lieux, la Maison Forte s’était rendue sans lutter et Gaéric y avait établi son quartier général.  Il avait aussitôt  donné l’ordre d’incorporer à ses  fantassins les villageois jeunes et robustes, ainsi qu’il était de coutume dans les régions annexées par les Toal-Gahn.

Mais, comme à  Priès et Tolbar −  les bourgades qui se trouvaient sur leur parcours et où ils avaient effectué leurs premières tentatives d’enrôlement − tous les hommes jeunes et vigoureux  semblaient s’être littéralement volatilisés.

Lorsqu’il avait appris, pour la troisième fois, que les hommes valides s’étaient réfugiés dans les bois environnants pour échapper à son autorité, le jeune Seigneur avait alors décidé de prendre les choses en main :

- Ainsi, les corbeaux veulent jouer avec moi ? avait-il murmuré entre ses dents, utilisant le surnom que se donnaient les partisans de Gisors. Eh bien, nous allons leur apprendre que je ne suis plus un enfant !

 

Et cette fois, il s’était donc personnellement déplacé.

Ses guerriers entreprirent de fouiller les maisons et des cris de peur ou de douleur ne tardèrent pas à se faire entendre.

Plus tard,  des femmes, des enfants et des vieillards avaient été rassemblés sans ménagement au centre du village,  face à Gaéric. Dominant les villageois du haut de son torken gris pommelé, Gaéric les balaya lentement d’un regard hautain et s’adressa à eux d’une voix forte :

- Cette terre appartient au Reg. Quiconque refuse de dénoncer ceux qui se cachent pour ne pas être intégrés à l’armée d’Hardogan est passible de la peine de mort ! Où se terrent ces lâches ? J’attends !

 

Le silence se prolongea, brisé seulement par le cri moqueur d’un oiseau lointain, comme une provocation. Sur l’injonction muette de Gaéric, un porte-tambour s’approcha et se mit à frapper lentement en cadence. Les villageois échangèrent des regards inquiets.

- Tous les vingt battements, expliqua le jeune Seigneur avec lenteur, l’un d’entre vous sera mis à mort. Nous commencerons par une femme, puis ce sera un enfant et enfin un vieillard, et ainsi de suite. .. pour ne pas faire de jaloux !

 

Un frémissement d’effroi parcourut les prisonniers, tandis que le jeune Taalite arborait un sourire satisfait.

- Quelqu’un a-t-il quelque chose à dire ? lança-t-il alors sur un ton qui se voulait encourageant.

 

Une voix de femme, haute et claire, se fit entendre :

- Aucun Dairfeldien ici ne trahira les siens !

 

Gaéric descendit de cheval d’un bond souple et se dirigea d’un pas tranquille vers la femme qui avait parlé. Il la jaugea de haut en bas, puis la fixa droit dans les yeux, mais elle ne baissa pas le regard. Elle était jeune et très attirante, avec des cheveux brun-roux bouclés et un visage bien proportionné. Il prolongea son examen, s’attardant sur les formes pleines ;  il  tendit la main, caressa le cou lisse, puis la poitrine ferme. La femme frémit de dégoût,  redressa le menton et lui cracha au visage. Gaéric sourit en essuyant lentement sa joue, sans la quitter des yeux. Lorsqu’il sortit son épée de son fourreau avec une lenteur étudiée,  elle se figea, mais ne trembla  toujours pas.  Gaéric se détourna d’elle pour  agripper une très jeune fille, qui  se trouvait juste à ses côtés et, sans état d’âme, il lui trancha la gorge. Son amie poussa un cri horrifié, tandis que des exclamations catastrophées s’élevaient parmi les villageois. Ralentissant la chute de sa compagne qui glissait sur le sol, la jeune femme jeta un regard de haine à Gaéric ; ce dernier  demeura imperturbable, tandis qu’elle s’agenouillait près de la mourante, appelant à l’aide avec désespoir, des larmes coulant sur ses joues, les mains pleines du sang qui coulait. Certaines villageoises voulurent s’approcher à leur tour, mais les soldats s’interposèrent.

 - Oui ! fit Gaéric en observant d’un air pensif sa jeune victime hoqueter et s’affaiblir. Je pense vraiment que certains sont capables de se sacrifier pour une cause perdue. Quelle sottise !

Il regarda au loin et poursuivit :

- Mais la vraie question est : comment  réagiront les corbeaux de Valnoir, lorsqu’ils sauront qu’ils sont la cause de la mort des leurs ? Resteront-ils terrés comme des bêtes  à vous laisser tous mourir à  leur place ou se rendront-ils pour servir leur Reg ?

 

La femme, toujours à genoux près de la jeune fille dont elle venait de fermer les paupières, releva vivement la tête et suivit le regard de Gaéric.  Un jeune garçon, pensant avoir échappé à la vigilance des Toal-Gahniens, s’enfuyait en direction des bois non loin, tandis que plusieurs guerriers lui emboîtaient le pas. Gaéric fit signe à un soldat qui vint relever la femme par les cheveux.

- Continue, lança-t-il sèchement en direction du porte-tambour qui avait arrêté de frapper.

 

Gaéric remonta en selle, le sourire aux lèvres, tandis que l’écho lugubre retentissait à nouveau.

EXTRAIT DE LA LEGENDE DU NORSGAAT - LIVRE III - L'EAU, EWE

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