Bienvenue dans mon petit monde ! Lectrice assidue depuis l'enfance, écrire est rapidement devenu pour moi une passion. Je vous propose de découvrir des extraits de mes livres, mes nouvelles et mes poèmes. Humour, tragédie, fantastique, Fantasy, j'espère que vous trouverez un univers qui vous parle. N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire et à partager. Sophie
Je me souviens, c’était dans les années 90.
Les objets en plastique étaient alors furieusement à la mode.
Aussi, moi qui avais été fabriquée dans le plus pur acier inoxydable, je passai de longs mois sur l’étagère de la petite quincaillerie de la rue Braille au cœur de Paris, sans qu’aucun client ne daigne me jeter ne serait-ce qu’un coup d’œil.
Je me sentais inutile, sans attache, un peu comme un otage oublié.
Puis Paul est entré dans la quincaillerie et dans ma vie.
J’ai tout de suite compris que j’avais affaire à un homme qui n’aimait pas perdre son temps. Et il cherchait une compagne fiable et solide. Il me souleva de l’étagère et m’examina sous toutes les coutures. Je ne pus m’empêcher de briller de tout mon éclat. J’étais jeune et un peu coquette en ce temps-là !
Le coup de foudre fut immédiat et réciproque.
- Parfait ! conclut-il en sortant de sa poche le prix de ma rançon.
Il m’accrocha solidement à une bride de son sac à dos flambant neuf et, depuis ce jour béni, nous ne nous sommes plus quittés. Entre nous, ce fut « à la vie à la mort ! »
Paul était, à l’époque, un étudiant en archéologie plein d’ambition, mais désargenté.
Les premiers temps, je ne servais qu’à égoutter les nouilles qui composaient son déjeuner et souvent aussi son dîner. Mais je le faisais sans rechigner, avec efficacité, attentive à lui faciliter la vie.
Une fois son diplôme en poche, Paul commença à voyager et il m’emporta avec lui.
Quelle existence merveilleuse nous avons eue !
Ce fut d’abord l’Afrique Noire, belle, mystérieuse avec ses fleuves tumultueux et ses animaux sauvages.
Je servais volontiers de tamis à Paul, lorsqu’il recherchait des fragments de poteries dans le sable limoneux. Nous eûmes quelques belles émotions en découvrant les restes de plusieurs statuettes de terre cuite au Mali !
Nous avons ensuite passé quelques années en Egypte où je me rendais utile en servant de réceptacle aux petits artefacts découverts dans les tombes qu’il était chargé de creuser. Nous faisions alors partie de la Mission archéologique française de Saqqara et avons beaucoup appris là-bas !
Puis ce fut l’Irak : nous avons dû camper en plein désert près d’un lac desséché où nous tentions de retrouver des tablettes mésopotamiennes. Les recherches furent éprouvantes et je ne compte plus les nuits où je dus passer les feuilles de menthe pour lui préparer un thé revigorant.
Nous étions alors dans les années 2000 et la guerre faisait rage dans cette région. Nous entendions bien parfois comme des bruits de tonnerre, mais ils demeuraient lointains et nous étions trop absorbés par notre travail pour nous en inquiéter vraiment. Mais un jour, le tonnerre des hommes se rapprocha et il fallut fuir.
C'est ainsi que, tôt un matin, Paul et moi furent réveillés par des cris d’alarme. Paul quitta précipitamment notre tente. Plusieurs détonations assourdissantes se succédèrent peu après et des vibrations firent si violemment tressauter la tablette sur laquelle je reposais que je cliquetai de peur. Soudain ce fut le silence : total, insondable et insupportable.
Paul avait-il été blessé ou pire ?
M’avait-il abandonnée ?
L’angoisse de ne plus jamais le revoir me tenaillait et je passais de longues heures à attendre, désespérée.
Soudain, un bruit de pas précipités me sortit de ma léthargie : je craignis qu’il ne s’agisse de soldats.
C’était mon Paul, poussiéreux et les vêtements déchirés, mais heureusement sain et sauf.
Il me chercha des yeux, me repéra enfin et m’attrapa, soulagé.
Il me fixa solidement à la bride habituelle de son vieux sac à dos et nous quittâmes le campement sans nous retourner.
Nous repartîmes sous d’autres cieux en quête d'autres merveilles.
Paul commence à prendre de l'âge, il voyage moins car il est devenu directeur d'un musée prestigieux. Je suis vieille, cabossée et rayée, mais jamais il ne m’a remplacée. Lorsqu'il me regarde, il a un petit sourire complice : quelle existence merveilleuse nous avons eue !
A la vie à la mort !