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Bienvenue dans mon petit monde. Je dédie ce blog à tous ceux qui, comme moi, aimeraient que tout commence par " il était une fois...". De la lecture à l'écriture, il n'y a qu'un pas, dit-on. Certes, mais il n'est pas aisé à accomplir. Et à quoi servirait d'écrire si ce n'était que pour soi ? Alors, je vous propose de venir découvrir des extraits de mes livres, mes nouvelles et mes poèmes. Humour, tragédie, Fantasy, j'espère que vous trouverez un univers qui vous correspond. Et n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire. SOPHIE

LA POUPEE

LA POUPEE

La petite Suzanne aimait beaucoup Belle, sa poupée !

Au début, lorsque Jean & Madeleine la lui avaient offerte, elle l’avait prise à bout de bras avec incrédulité : elle, qui n’avait jamais eu de jouet, n’avait non plus jamais rien vu de plus beau que cette poupée, qui ressemblait à une dame. Aussi,  peinait-elle  à croire qu’on ne la lui reprendrait pas. Puis, elle avait fini par examiner son petit fardeau plus attentivement : le visage, les pieds et les mains étaient en porcelaine peinte. Les yeux bleus clairs étaient surmontés de fins sourcils ;  la bouche petite et toute rose, souriait à pleines fossettes, montrant des dents blanches ; les joues arboraient un léger fard, qui leur donnait bonne mine. Les cheveux longs et soyeux  étaient noués par des rubans de velours. La robe satinée vert pâle était bien plus belle et plus fine que les blouses que la fillette portait chaque jour. Mais « dans une ferme, surtout lorsque l’on a six ans, à quoi serviraient de belles toilettes ? », avait l’habitude de dire M’man. De même, la poupée était chaussée de souliers montants, fins et légers, tandis que Suzanne n’avait droit qu’à des galoches à la semelle de bois, épaisses et inusables, mais qui lui faisaient mal aux pieds et ne prémunissaient pas contre les engelures hivernales.

Et la petite fille ne pouvait s’empêcher de dévorer des yeux ce cadeau, qu’elle portait avec précaution et un peu d’inquiétude, sans oser y croire. Puis, quand elle eût réalisé que la poupée  était bien à elle pour toujours, elle l’avait serrée contre son cœur, pas trop fort tout de même, pour ne pas lui faire mal, puisqu’elle était désormais sa meilleure amie. Suzanne avait alors décidé qu’elle aimait bien Jean & Madeleine également. Aussi, comme M‘man n’arrêtait pas de répéter :

             - Eh bien, dis merci, nigaude !

Elle les avait embrassés tous les deux un peu gauchement. Jean lui avait fait un clin d’œil et Madeleine avait demandé gentiment  comment elle allait appeler sa poupée.

- Belle, avait timidement répondu la fillette, car quel autre prénom aurait-elle pu donner à une telle merveille ?

 

Jean & Madeleine étaient arrivés à la ferme, comme s’ils étaient tombés du ciel : Suzanne s’était réveillée un matin et ils étaient là, tout simplement. Elle avait été un peu surprise qu’ils habitent dans le grenier et en sortent aussi peu souvent. Ils portaient des vêtements presque aussi élégants que ceux de sa poupée. Madeleine, surtout, était jolie, avec ses cheveux bouclés retenus avec deux peignes et son sourire un peu triste. Suzanne se disait que s’ils vivaient désormais ici, c’était peut-être parce qu’ils n’avaient plus  de maison.

Quand elle en avait parlé à M’man, celle-ci lui avait répondu que c’était des histoires d’adultes et qu’elle n’avait pas à savoir pourquoi ils étaient là,  ni d’où ils venaient. Elle ne devait pas parler d’eux du tout, car personne n’avait à savoir qu’il y avait des réfugiés chez eux. C’était la première fois que Suzanne entendait ce mot : réfugiés. Elle s’était alors souvenue que le Maître d’Ecole avait dit, un jour, que les habitant du village, Verneuil,  étaient des vernoliens. Aussi, la fillette avait logiquement pensé que Jean & Madeleine devaient venir d’un village qui s’appelait Refuge.

Ce n’était que lorsque le vrombissement des avions se faisait entendre, que Jean et Madeleine consentaient à quitter le grenier. Et ils semblaient ne pas apprécier les avions !

Suzanne, non plus,  ne les aimait guère, car elle savait qu’ils représentaient une menace, même si elle en ignorait la nature : de jour, il fallait alors aller se mettre à l’abri et, même lorsqu’elle dormait, M’man venait la réveiller et la sortait sans ménagement de son lit. Il fallait courir jusqu’au pré du Père Grelet et se cacher dans le fossé humide, simplement recouvert d’un toit d’épines. Elle y avait froid, elle y avait peur, même s’il y avait P’pa, M’man, sa sœur Marcelle, qui était encore un bébé et, enfin, Jean & Madeleine.  Mais toutes les fois qui suivirent l’arrivée de Belle, quand bien même ils durent passer la nuit entière dans le fossé,  Suzanne n’avait plus eu ni peur, ni froid. Et vous savez pourquoi ? C’était parce que Belle était là, près d’elle.

La petite fille fermait les yeux et chuchotait à sa poupée :

- Ne tremble pas, tu ne risques rien, tant que nous restons ensemble.  Si on ferme bien fort les yeux et qu’on se serre dans les bras l’une de l’autre, les méchants avions ne nous verront pas et ne pourront jamais nous trouver.

Aujourd’hui, Suzanne va avoir 85 ans, mais elle n’a oublié ni Belle, ni Jean & Madeleine.

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